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Le lâcher prise

Dernière mise à jour : 16 déc. 2019

Vous connaissez sans doute la métaphore du lâcher prise qui raconte que, dans la forêt équatoriale, les hommes chassent le singe en l'attrapant vivant et sans la moindre blessure. Les chasseurs évident une courge puis la remplissent de riz et l'attachent solidement à un arbre. Le singe, attiré par la nourriture, s’approche et insère ses doigts par une petite ouverture qui ne laisse passer que sa main ouverte. S’emparant d’une poignée de riz, il ne peut plus retirer sa main pleine maintenant trop grosse pour passer l’orifice. Alors qu’il s’acharne, le chasseur s’approche et attrape le singe ainsi retenu. Il aurait suffi que l’animal abandonne le riz pour retrouver aisément sa liberté. Oui, mais pour y arriver, il aurait dû renoncer à quelque chose d’important pour lui : sa nourriture...

Lâcher prise, est-ce renoncer ? non, car si notre petit singe avait lâcher sa prise dans l’immédiat, pour mettre en place une action différente ou différée, il aurait pu conserver et atteindre son objectif de départ sans se faire prendre au piège.


Chez les humains, le lâcher prise semble parfois bien plus subtil !

Prenons un exemple... S'expatrier, partir, laisser ce que nous avons, ce que nous sommes comme une croix sur le passé et un pas vers l’avenir... Enthousiaste ou terrifié, nous quittons notre environnement, notre travail, nos amis, notre famille. Cela peut créer en nous une insécurité qui va nous confronter à nos plus grandes peurs... celles que nous avions tentées de maitriser jusque-là... Pour n'en citer que quelques-unes, nous pourrions faire référence à la peur de l'échec, la peur du regard des autres, la peur de se tromper, la peur de se perdre, la peur de l'inconnu, la peur de manquer, etc...

Il suffit alors simplement de lâcher prise, d'accepter et de s'ouvrir à l'expérience...

Oui, mais voilà, nous avons tout autant peur de lâcher-prise, peur de perdre ce contrôle que nous avions sur notre vie... et souvent, inconsciemment, même si le contexte de vie change, nous nous mettons à reproduire le schéma sur lequel nous avions construit notre vie jusqu'à présent. Nous gardons avec nous nos désirs et nos croyances... Sauf que cela fonctionne jusqu'à un certain point...

Alors, pour comprendre cette peur de lâcher prise et vivre pleinement notre expérience, nous pourrions commencer par nous demander ce qui se cache derrière ce lâcher prise.

1) Quelle prise doit-on accepter de lâcher ?

Si les prises auxquelles nous sommes attachées sont propres à chacun, il est un point commun fondamental à prendre en compte : l’illusion de contrôle.

Gilles Farcet, écrivain et philosophe français éclaire particulièrement bien ce point dans une interview à Pascale Senk, journaliste. En parlant du lâcher-prise, il dit :

« Au commencement de toute prise, se trouve l’Ego. Moi, j’existe indépendamment de tout, séparé, seul face à l’autre, c’est-à-dire tout le reste, tout ce qui n’est pas moi et qui donc n’obéit pas toujours à ma loi. Le Moi exige de l’autre qu’il se conforme à mes critères. Le Moi séparé de l’autre se maintient par le refus plus ou moins conscient de l’autre c’est-à-dire de ce qui est. « Moi, je ne veux pas qu’il pleuve ce matin ». « Moi, je ne veux pas que ma femme fasse cette tête ». Refus qui s’accompagne de la prétention à tout contrôler. Le fait même que « moi, je ne veuille pas » implique la conviction qu’il pourrait en être autrement parce que tel est mon désir ».

Ainsi, pour lâcher prise, nous devons d'abord prendre conscience que nous vivons tous avec une illusion. L'illusion que l’Autre va se conformer à nos critères, à nos désirs. (L'Autre étant ici à prendre au sens psychologique du terme, c'est à dire tout ce qui n'est pas "Moi").

Il faut se rendre à l'évidence : "nous ne pouvons pas tout contrôler ».

Il n'en reste pas moins que le parcours pour lâcher prise est propre à chacun. Il est donc indispensable de SE poser la question :


2) « Quelle est MA définition du lâcher prise ? Qu’est-ce que cela représente pour moi ? ». Quelles est la (les) prise(s) que je dois lâcher ?

Il peut s'agir de lâcher une prise, comme sur un mur d’escalade. Celle qui nous retient, celle qui nous met en sécurité. Si nous la lâchons, nous tombons. Si nous tombons, nous tombons dans le vide, le néant, comme une chute sans fin. Ou encore, nous pourrions avoir l'impression que lâcher prise c’est se résigner. Ou encore que l'on abandonne quelque chose auquel on tient...

Ainsi, de notre définition propre du lâcher-prise, nous pourrons prendre conscience d'un certain nombre de nos croyances limitantes ou erronées (les distorsions cognitives) et de nos peurs sous-jacentes. Dans l'exemple :

  • L’insécurité : « si je lâche prise, je ne suis plus en sécurité ».

  • La résignation : « Si je lâche prise, c’est que je me suis résigné ».

  • L'illusion de pouvoir tout contrôler : « Si je lâche prise, je ne pourrai plus contrôler la situation ».

Lâcher prise, c'est aussi prendre conscience que de ses croyances erronées découlent des conséquences émotionnelles (souvent négatives) et comportementales inappropriées :

« Je dois lutter… Lutter pour être en sécurité et refuser de me résigner, me battre pour que les choses changent… Les autres changent ».

En fonctionnant avec nos distorsions cognitives et leurs conséquences, nous ne pourrons avancer, entretiendront notre mal-être et ne trouverons pas de solutions adéquates.

Nous serons impuissants et perdrons notre pouvoir de décision et de changement.

Alors, il nous faut opérer une transformation. On parle de restructuration cognitive contextuelle.


3) Retrouver sa flexibilité psychologique

Nous avons compris nos pensées, nos émotions, nos sensations qui nous poussaient à résister à une certaine réalité. Nous sommes conscients de nos distorsions cognitives. Le travail va être maintenant de les accueillir, de les accepter, de se distancier d’elles avec une attitude d’autocompassion.

Par ces processus, nous retrouvons notre flexibilité psychologique c'est-à-dire notre capacité à être présent et ouvert à l'expérience telle qu'elle se présente. Il nous sera alors possible d'opérer une inversion psychologique. Dans l'exemple, il s'agira d'apprendre à :

· Accepter ce qui est, sans désir de le contrôler.

· Se sentir en sécurité, faire confiance à la vie.

· Distinguer lâcher prise et résignation.


4) Enfin, nous pourrons développer un plan d'action adapté à notre objectif pour répondre à la situation.

Prenons un dernier exemple pour résumer l'illusion de contrôle, la résignation, la prise de conscience, la flexibilité psychologique et le lâcher prise :


Notre voiture est embourbée dans un chemin de boue. C’est la réalité.

Quand nous la refusons, nous luttons contre un fait. Nous refusons la réalité. Nous fonctionnons avec une grille d'interprétation automatique et notre illusion de contrôle nous domine. Nous voulons conserver un contrôle sur la situation. L'action qui en découle est alors de continuer d'appuyer sur l’accélérateur (c’est notre premier réflexe, qui ne l’a pas déjà fait ?! et malheureusement cela empire la réalité puisque nous nous embourbons un peu plus).

Lorsque nous nous résignons, nous acceptons cette réalité MAIS en gardant nos distorsions cognitives ayant pour conséquence des émotions et des actions négatives :

"c’est foutu, je n’arriverai jamais à m’en sortir", "Je suis nulle"... et nous ne mettons aucune action en place (nous avons une vision qui nous empêche de décider et d'agir).

Lorsque nous lâchons prise, nous sommes capables d'être présent à l'expérience telle qu'elle se présente (sans y intégrer ou prendre en compte l’émotionnel qu’elle a engendrée).

Nous sommes en fait devenus conscients de nos propres peurs. Nous avons pris du recul sur elles (défusion cognitive) et faisons appel à notre flexibilité psychologique. Ainsi, nous apprenons à nous sentir en sécurité quel que soit les circonstances. En étant présent à la situation telle qu’elle se présente, nous avons une vision plus large que celle que nous avions par les œillères de nos peurs et croyances. Nous sommes alors prêts à mettre en place un plan d'action qui répondra à un objectif défini (« Quel est mon but ? » Dans l’exemple : sortir la voiture de la boue), et des actions positives concrètes (mettre une planche, un bout de bois, des pierres sous la roue embourbée, chercher de l’aide, solutions que par ailleurs précédemment nous n'avions pas vu car trop préoccupé par nos émotions négatives).


Pour conclure, apprendre à lâcher prise, c’est donc apprendre à

  1. Se séparer de l'illusion que l'on peut tout contrôler,

  2. Connaitre sa propre définition du lâcher-prise afin de prendre conscience de nos croyances limitantes et nos peurs sous-jacentes.

  3. Développer notre capacité à être présent et ouvert à l'expérience telle qu'elle se présente : Observer ce qui est, sans émotion ni jugement de la situation / de soi-même, Accepter ce qui est, (puisqu’on n’a pas le choix en réalité), Définir un objectif à partir de ce qui est, de ce que l’on a, de qui l’on est. Mettre en place des actions positives concrètes en fonction de ce qui est pour atteindre notre objectif.


Ainsi, au lieu de lutter contre une réalité, de rester bloquer dans une grille de lecture du passé, dans nos idéaux et notre mental, le lâcher prise nous permettra d'avancer, de mobiliser nos ressources et de retrouver du pouvoir de changement et de décision dans notre vie.

Sans compter qu'à partir des résultats constructifs obtenus grâce à ce lâcher-prise, nous entrerons dans un cercle vertueux. En effet, nous élargirons notre capacité attentionnelle, nous augmenterons donc nos capacités à résoudre des problèmes, nous nous construirons ainsi de nouvelles ressources psychologiques, ce qui permettra de faire augmenter notre niveau de bien-être.

Auteur : Stéphanie Moschin

Date : le 13/12/2019




#psychologie#lâcher-prise#flexibilité-psychologique#bien-être

 
 
 

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